Ce 8 mars, Journée Internationale des Femmes, nous voudrions partager avec vous cet article très intéressant, envoyé par une représentante AIC à l’ONU, sur le thème de la violence à l’égard des femmes. La lutte contre la violence envers les femmes est au cœur des projets de terrain ainsi que des actions de plaidoyer de l’AIC. Nous soutenons des initiatives de sensibilisation, de prévention et d’accompagnement des femmes victimes de violences, notamment à travers le Prix AIC Claire et Jean Delva (pour en savoir plus sur le Prix Delva 2021, voir notre article).
Cette thématique est aussi l’un des axes de travail de l’ONU, qui participe chaque année à la campagne internationale « 16 Jours d’activisme » contre la violence envers les femmes. Le thème de la campagne en 2021 a été « Orangez le monde : mettre fin dès maintenant à la violence à l’égard des femmes ! » La couleur orange, vive et optimiste, était associée à la campagne pour représenter un avenir meilleur, sans violence envers les femmes et les filles.
Dans l’article ci-dessous, Natalie Boone, représentante AIC à l’ONU, nous en apprend davantage sur la campagne « Orangez le monde ». S’appuyant sur des exemples concrets de différents pays, elle nous montre les nombreux liens qui existent entre la violence à l’égard des femmes et les conséquences du changement climatique.
Contexte
Près d’une femme sur 3 a été victime d’abus au cours de sa vie. En période de crise, les chiffres augmentent, comme on l’a vu durant la pandémie de COVID-19 et les récentes crises humanitaires, conflits et catastrophes climatiques. Un nouveau rapport d’ONU Femmes, basé sur des données provenant de 13 pays depuis la pandémie, montre que 2 femmes sur 3 ont déclaré qu’elles ou une femme qu’elles connaissent ont subi une forme de violence et sont plus susceptibles d’être confrontées à l’insécurité alimentaire. Seule une femme sur 10 a déclaré que les victimes iraient chercher de l’aide auprès de la police.
Bien qu’insidieuse, la violence envers les femmes (VEF) n’est pas inévitable : elle peut et doit être prévenue. Pour mettre fin à cette violence, il faut d’abord croire les victimes, adopter des approches globales et inclusives qui s’attaquent aux causes profondes, transformer les normes sociales néfastes et autonomiser les femmes et les filles. Avec des services essentiels centrés sur les victimes dans les secteurs de la police, de la justice, de la santé et des services sociaux, et un financement suffisant pour la réalisation des droits des femmes, nous pouvons mettre fin à la violence envers les femmes.
Source: ONU Femmes
Action
L’été dernier, dans le cadre d’un engagement de 40 milliards de dollars américains en faveur des femmes et des filles du monde, le Forum Génération Égalité a lancé la « Coalition d’action sur la violence fondée sur le genre ». La Coalition réunit un large éventail d’organisations de femmes et d’autres acteurs : la jeunesse, la société civile, des organisations confessionnelles, de philanthropie, du secteur privé, des organisations internationales et des États membres de l’ONU. Des engagements financiers et politiques concrets seront pris, et il y aura un renforcement des initiatives dans des domaines essentiels : les services de soutien aux victimes, les cadres juridiques et des ressources plus importantes pour les organisations de terrain.
Le Forum Génération Égalité qui s’est conclu à Paris en juillet 2021 a donné l’impulsion nécessaire à des actions et des investissements décisifs pour faire progresser l’égalité des sexes. Le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le seul mécanisme mondial d’octroi de subventions consacré à l’élimination et à la prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, a annoncé un défi spécial de collecte de fonds, #Give25forUNTF25, marquant 25 ans d’octroi de subventions pour soutenir les organisations de femmes dans le monde entier.
Les Nations Unies et ONU Femmes ont marqué les « 16 jours d’activisme » contre la violence envers les femmes du 25 novembre au 10 décembre 2021, sous le thème mondial 2021 fixé par la campagne « Tous UNiS » du Secrétaire général de l’ONU : « Orangez le monde : mettre fin dès maintenant à la violence à l’égard des femmes ! »
Aux cours des seize jours de campagne, seize thématiques ont été mises en avant :
Jour 1. Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
Les 16 jours d’activisme contre la violence envers les femmes (VEF) ont débuté lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et se sont poursuivis jusqu’à la Journée des droits de l’homme. Ces 16 jours ont été utilisés comme une stratégie mondiale pour appeler à la prévention et à l’élimination de la VEF.
Jour 2. Violence envers les femmes et changement climatique
La deuxième journée s’est concentrée sur l’intersection entre le changement climatique et la VEF, étant donné que le thème prioritaire de la prochaine Commission de la condition de la femme (CSW) est le suivant : « Atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles dans le contexte du changement climatique et des politiques et des programmes de réduction des risques environnementaux et de catastrophes. »
Jour 3. Violence envers les femmes, femmes rurales et changement climatique
Les femmes rurales sont les principales responsables de la sécurité alimentaire, puisqu’elles représentent environ 50 % de la main-d’œuvre agricole, mais elles ont rarement le contrôle des terres sur lesquelles elles travaillent. Cette dynamique de pouvoir peut donner lieu à la VEF comme tactique d’intimidation. Dans certaines plantations de thé, « les superviseurs masculins abusent de leur position de pouvoir, en contraignant les femmes à satisfaire leurs besoins sexuels et en punissant celles qui refusent de le faire en entravant leur travail ».
Sources : FAO et UICN
Jour 4. Violence envers les femmes et défense des droits de l’homme en matière d’environnement
Les femmes militantes pour l’environnement et les droits de l’homme sont plus exposées à la violence que les hommes. Cette violence peut inclure : le viol, l’enlèvement, la torture, l’intimidation, la criminalisation et le meurtre. Irma Galindo Barrios, une militante écologiste mexicaine issue du peuple indigène Mixtèque, a été vue vivante pour la dernière fois le 27 octobre 2021. Depuis 2018, elle a été victime de harcèlement, de menaces de mort, de diffamation, d’intimidation et d’incendie criminel. Ces attaques ont été commises par des particuliers et des représentants de l’État.
Sources : Common Dreams et UICN
Jour 5. Pertes d’infrastructures dues au climat et violence envers les femmes
Les catastrophes climatiques peuvent causer des dommages physiques aux établissements de santé, aux centres d’écoute et de conseil et à d’autres infrastructures créées pour aider les femmes et les filles victimes de VEF. Ces catastrophes peuvent également entraîner des problèmes de chaîne d’approvisionnement et des pertes de dossiers. Aux Philippines, des femmes enceintes n’ont pas eu accès aux soins prénataux pendant plus d’un mois à cause du typhon Haiyan. Au Pakistan, le manque de femmes médecins pendant les inondations a empêché de nombreuses personnes de se faire soigner, par crainte de harcèlement sexuel de la part des médecins masculins.
Source : Women Deliver
Jour 6. Perte de terres liée au climat et violence envers les femmes
La terre est essentielle pour le logement, les revenus et la nourriture de nombreuses personnes. La perte de terres en raison de catastrophes climatiques entraîne un risque accru d’insécurité alimentaire, de pauvreté et de faim. La sécurité foncière est essentielle pour les quelque 2,5 milliards de personnes qui dépendent des terres autochtones et communautaires pour assurer leur subsistance. Lorsque ces ressources sont perdues, les femmes rurales sont davantage exposées aux risques de VEF lorsqu’elles sont contraintes de chercher des ressources plus loin.
Source : UICN
Jour 7. Pressions financières dues au climat et violence envers les femmes
Les pressions financières causées par la sécheresse, les incendies, les typhons et d’autres crises liées au climat peuvent pousser les femmes et les filles vers des domaines tels que le travail sexuel, les rendant plus vulnérables à la violence. L’insécurité financière peut également conduire à une dynamique de pouvoir inégal dans laquelle les agriculteurs, les propriétaires terriens et les vendeurs peuvent exploiter la pénurie de ressources et exiger des rapports sexuels en échange de ressources.
Source : ONU Femmes
Jour 8. Immobilité due au climat et violence envers les femmes
Les normes socioculturelles peuvent empêcher les femmes d’émigrer ou de chercher refuge, ce qui crée un plus grand fardeau pour les femmes. Les événements liés au climat peuvent contraindre les femmes à rester dans des relations abusives ou les empêcher d’accéder aux ressources. À Delhi, des femmes ont rapporté que les inondations et les vagues de chaleur les empêchaient de travailler pendant des mois, laissant leur famille dans l’insécurité financière. De nombreux maris, laissés temporairement sans emploi par les inondations, se sont tournés vers l’alcoolisme et la violence domestique.
Sources : Urban Institute et ONU Femmes
Jour 9. Eau, changement climatique et violence envers les femmes
Dans 8 familles sur 10 où l’eau n’est pas disponible sur la propriété, les femmes et les filles sont chargées d’aller la chercher. En général, ce trajet doit être effectué plusieurs fois par jour pour assurer la subsistance du foyer. Le manque d’accès à l’eau sur les lieux augmente la vulnérabilité à la VEF. Une étude menée dans les zones rurales d’Éthiopie a mis en évidence les différentes formes de violence subies par les femmes en rapport avec l’eau, qu’il s’agisse de tensions et de violences domestiques concernant la quantité d’eau ramenée à la maison ou le temps passé à la collecter, ou encore de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols sur le chemin de l’eau.
Sources : UICN
Jour 10. Éducation, changement climatique et violence envers les femmes
L’éducation des filles est non seulement l’une des clés de l’action climatique, elle peut aussi être l’une des plus vulnérables en période de crise climatique. Le manque d’accès à l’éducation peut conduire à une pauvreté cyclique et à une recherche de formes d’emploi qui augmentent le risque de VEF. Les écoles peuvent être extrêmement difficiles d’accès durant les migrations forcées par le climat. L’éducation peut permettre aux filles d’en savoir plus sur le changement climatique, sur la manière de s’y adapter et de lutter contre les changements qu’il entraîne. Des études montrent qu’une éducation comprenant des cours complets sur la santé sexuelle et reproductive améliore les résultats des filles en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs.
Sources : UICN et Brookings
Jour 11. Catastrophes climatiques aiguës et violence envers les femmes
Dans de nombreuses régions, la dépendance des femmes à l’égard des ressources naturelles pour leur subsistance et la survie de leur famille, associée à de nombreux déséquilibres entre les sexes, rend le relèvement après une catastrophe aiguë beaucoup plus difficile. À la suite de nombreuses catastrophes aiguës, les taux de VEF augmentent considérablement en raison de l’intensification des conflits et du stress. Après que deux cyclones tropicaux aient frappé la province de Tafe au Vanuatu en 2011, on a constaté une augmentation de 300 % des nouveaux cas de violence domestique.
Source : UICN
Jour 12. Faiblesse de l’État de droit lors de catastrophes climatiques et violence envers les femmes
À la suite de nombreuses catastrophes climatiques, l’État de droit est faiblement appliqué alors que la communauté tente de se rétablir. Une faiblesse de l’État de droit crée des conditions propices à la violence, comme le montrent de nombreuses études de cas sur le trafic sexuel, les abus sexuels et le travail des enfants dans les exploitations minières, les pêcheries et les exploitations forestières illégales dans le monde entier.
Source : UICN
Jour 13. Mariage précoce et d’enfants, changement climatique et violence envers les femmes
Le mariage des enfants est souvent utilisé comme un moyen pour soulager la pression financière ou la pénurie de ressources durant les crises liées au climat. Un cas de migration induite par la sécheresse en Éthiopie a révélé une augmentation du nombre de filles vendues à des fins de mariage précoce en échange de bétail, les familles ayant du mal à faire face à la situation.
Source : UICN
Jour 14. Migration climatique et violence envers les femmes
En conséquence directe des catastrophes climatiques, plus de 20 millions de personnes sont contraintes de quitter leur foyer chaque année. Beaucoup de ces personnes déplacées sont contraintes de s’installer dans des camps qui sont déjà des environnements instables. De nombreux cas montrent que les femmes sont davantage victimes de violence et de harcèlement dans les abris d’urgence après les catastrophes, en raison du manque d’intimité, de la surpopulation et de l’absence d’installations sanitaires adéquates et adaptées aux besoins des femmes. Le risque de violence auquel sont exposées les femmes et les filles est amplifié par l’instabilité et le manque de ressources qui règnent dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (appelées « déplacés internes »).
Source : ONU Femmes et HCR
Jour 15. Trafic d’êtres humains, changement climatique et violence envers les femmes
Les trafiquants d’êtres humains profitent de l’incertitude et de l’insécurité au lendemain des catastrophes, s’attaquant aux groupes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, et les ciblant à des fins d’exploitation sexuelle. On estime que le typhon Haiyan, qui a dévasté les Philippines en 2013, a entraîné une augmentation des taux de traite dans la région. Certaines recherches préliminaires suggèrent que la traite pourrait avoir augmenté de 20 à 30 % pendant la crise.
Source : ONU Femmes et UICN
Jour 16. Intersectionnalité
Au cours des 16 Jours d’activisme, les nombreux domaines de préoccupation à l’intersection du changement climatique et de la violence envers les femmes ont été mis en évidence. L’élément le plus crucial pour créer un changement dans ce secteur est de reconnaître que tant de ces questions sont liées, et que des solutions plus efficaces peuvent être découvertes si nous trouvons des domaines qui se chevauchent et que nous brisons les silos. Les solutions intersectionnelles sont la clé pour mettre fin à la violence envers les femmes.
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Plus d’informations sur la campagne « Tous UNiS » de l’ONU : https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/take-action.
Plus d’informations sur la campagne internationale « 16 Jours d’activisme » : https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/take-action/16-days-of-activism.
Images : ONU Femmes
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